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Cet arbre est mon ami

• Cet arbre est mon ami • Il y a quelques années de cela. Une vingtaine en fait. Je traversais une periode difficile. On était, de plus, dans les semaines de sidération suite au 11 septembre. Ma seule réponse à une vie chaotique était d'en rajouter, alors je passais mes nuits dans les clubs electro. Et si vu de l'exterieur ma vie avait l'air cool, à l'interieur c'était un champ de ruine. Il y a eu ce séjour dans cette maison du Berry, le truc où j'allais me refaire une santé (bien manger, boire de l'eau, dormir, respirer...). Lors d'une balade sur le terrain, je croise pour la énieme fois ce chêne que je connais bien. Et ce jour pas comme un autre, je m'arrete et je le regarde longuement. Dans le silence, je sens comme une invitation. Il y a plus de 20 ans il était encore rare d'entendre parler de sylvanothérapie ou de calins des arbres, mais j'ai une mere qui a toujours évoqué un rapport sensuel aux arbres et à la nature, alors : quand je sens l'invitation, j'y vais . Je m'installe donc le dos au chêne, sans attente particulère. J'ai commencé par sentir une présence bienveillante et si je devais lui donner une teinte... assez paternelle. C'est peut etre la premiere fois que j'ai senti cette notion de verticalité. Ensuite j'ai senti le rythme de l'arbre et je m'y suis fondue. Son existence dans la durée, ses mémoires, tout ce quil avait vu passer en restant immobile. Par constraste j'ai senti mon agitation, les nuits parisiennes, le chaos des jours. Une communication sans mot s'est installée. J'ai eu la sensation que ca venait de lui : comme une proposition de partager son experience si je partageais la mienne. Je lui donnerai des images du monde des hommes et il me donnerai des sensations du monde des arbres. Sensation brève d'un accord.


A cet instant a démarré une sorte de download. Je sentais son silence, son rôle de témoin et de pilier dans cette zone de la foret. Je sentais ses liens avec certains arbres, son autorité avec d'autres, ses alliés, sa présence faite de puissance retenue. Je percevais sa perception du temps fondamentalement différente de celle des hommes, je sentais son centre, comme si à la manière des soufis; le monde tournait autour de lui. Et dans ce silence et cette immobilité, je sentais pourtant la vie qui palpitait, intense, mais sur un autre rythme.

Alors en échange ce jour là j'ai donné les images du monde des hommes. Les embouteillages, les clubs et les excès, les tournages hysteros, les salles de montage comme des sarcophages, les disputes familiales, le sentiment de solitude au cœur de l'agitation des villes.. J'avais l'impression de me vider de mes toxines mais régulièrement je sentais un élan rassurant qui semblait dire, 'ce sont deux temps et deux mondes différents voilà tout'. C'était très émotionnel à vivre, autant par les images qui me traversaient que par ce lien qui s'établissait. Puis petit à petit l'émotion se calmait, le calme revenait.

Je suis restée longtemps ce jour là, accolée à l'arbre.. J'ai senti l'invitation à revenir. Cette semaine là, je suis revenue tous les jours.

Puis régulièrement les années suivantes, chaque fois que je venais, j'avais un moment avec l'arbre, comme si je prenais un café avec un vieil ami, on échangeait brièvement nos perceptions : son immobilité frémissante et mon agitation urbaine.

Je me souviens d'avoir pensé à lui dans le sous sol d'une boite de nuit techno. Et d'avoir envie de sortir respirer. Comme un repère qui me faisait prendre conscience du chaos dans ma vie.


Aujourd'hui on se salue de loin, comme de vieilles connaissances. Nous n'avons plus besoin d'échanger nos mondes. Les vases ont suffisamment communiqué.

Ca paraît fou de le formuler, mais je crois sincerement qu'il m'a aidée, en initiant cette remise dans l'axe, et cette perception du silence vibrant. « Immobile silencieux et aligné », ce sont les mots que j'ai entendu quelques années plus tard quand j'ai rencontré Patrick Burensteinas l'alchimiste, je les ais reconnus.

Je ne peux m'empêcher de penser au petit prince de Saint Exupery, sa rose, le renard.

Aujourd'hui je ne suis pas du genre à faire des calins aux arbres. Cet arbre est mon ami, mais cette relation a eu quelque chose d'exceptionnel, d'exclusif.. Par contre cette relation a permis que s'ouvre un autre rapport au vivant : comme avec les pierres, que ce soient celle d'une construction, en litothérapie ou dans la nature. Cela a également enrichit les échanges avec les animaux. Et bien sur avec les humains ça m'a permis de comprendre que d'autres canaux de communication était parfois à l'oeuvre sans qu'on s'en rende compte au premier abord.







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