Les addictions
- mathilde jouannet
- 5 sept.
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 6 sept.
Les addictions [ article ]
Note préalable/ Aucun jugement ou morale dans ce que je dirais.
Le but est d'essayer de décrire succintement les forces en jeu dans l'architecture interne de la psyché.
Pour commencer.
Imaginez un cyclone. Ce cyclone est doué d' une conscience indépendante et mobile qui peut se balader en tout point de lui même, à la périphérie comme au centre. Ce cyclone avec sa conscience mobile comme un saphir sur un disque... eh bien c'est vous. Ou plutôt l'agrégat des forces qui vous composent.
Quand vous êtes à la périphérie, c'est agité, instable. Plus vous approchez du centre et plus parfois vous avez l'impression que la densité augmente. Mais soudain dans votre axe, vous êtes dans l'oeil de votre cyclone. Tout est fluide, silencieux, aligné. Vos actes et votre conscience sont en phase et vous êtes en phase avec le monde. Tout coule de source, ou plus précisément de votre source interne.
Ce centre, ou cet axe est l'espace dont je vous rabats les oreilles, c'est celui ou on peut se régénérer, se nourrir, se réparer, et obtenir les infos nécessaires à son cheminement.
Dés qu'on quitte son centre, tout devient agité. Au bout d'un moment cette agitation fatigue et on cherche alors à retrouver cet espace de silence. Notre conscience oscille comme un balancier, une respiration, une danse au cœur de ce maelstrom.
Maintenant, dans le cas d'un traumatisme, une blessure, la conscience condamne des zones internes. Ces zones interdites compliquent et obstruent l'axe.
Plus le chemin du centre se perd, plus l'agitation augmente sans jamais s'apaiser.
Dans le cas de l'addiction l'agitation devient tension permanente. L'être va chercher à calmer cette tension par tous les moyens. Il va donc chercher à l'extérieur l'apaisement qu'il ne peut plus trouver intérieurement.
Au passage, on est tous décentrés, constitués de failles et d'agitation, on construit sur l'extérieur avec les parents, la société, et on passe tous par des excés pour calmer notre agitation.... sinon on serait une humanité éveillée et ca se saurait ^^.
Donc des besoins on en a sans cesse, qu'on écoute plus ou moins. Mais le besoin peut parfois se transformer en obsession. Et quand l'obsession devient indéracinable et sclérosante, alors la on peut parler d'addiction.
Geste après geste, l'ornière se consolide dans le but compréhensible de calmer une agitation extrême. Sauf que la soif ne s'apaise plus.
Donc pour résumer l'addiction c'est quoi.
C'est un substitut des besoins profonds qui vient de l'exérieur pour permettre de continuer à fonctionner tant bien que mal. Béquille un moment, puis on ne peut plus s'en passer sous peine de détresse profonde ou d'impossibilité de fonctionner 'normalement'.
Ce substitut ressemble à ce dont on a besoin mais en réalité c'est un leurre. Alors l'organisme va s'épuiser petit à petit. Et comme il a perdu le chemin pour combler son vrai besoin, il va continuer dans cette boucle infernale en prenant conscience assez rapidement que ce qui semblait l'aider l'enfonce progressivement.
Alors comment on en sort.
Pour commencer ne jamais se juger car on fait ce qu'on peut avec son histoire et la force à disposition.
Le premier réflexe est de lutter contre l'addiction elle même.
Or le plus souvent, on risque de la renforcer. En effet, on ne soigne pas durablement une obsession en en ajoutant une obsession dessus (pensez aux régimes par exemple).
Surtout, une addiction est une béquille, donc on n'enlève pas une béquille à une personne qui ne peut avancer sans elle. Tout au plus dans l'urgence on peut remplacer une pratique toxique par une pratique qui l'est un peu moins.
Que faire de l'abime, et comment sortir de l'agitation et retrouver l'axe nourrissier?
Eh bien, on contourne. C"est le fameux labyrinthe qui permet de rentrer chez soi. On va retracer un chemin nouveau dans lequel on va se découvrir quelqu'un d'autre. Et par ce nouveau chemin on va progressivement être en mesure de retrouver le centre. D'abord avec l'aide externe, puis seul.
On n'essaye pas de forcer le chemin qu'on connait déjà et qu'on a joué des milliers de fois. ca ne ferait qu'épuiser les forces. Mais on explore tout ce qu'on ne connait pas (et vous ne vous doutez pas à quel point on est vaste).
Quelque chose d'important à noter dans ce processus ; regarder en face l'addiction ; autant on ne pas lutte pas contre elle (ce qui la renforcerait par le focus de la pensée) mais c'est important d'accepter qu'elle est la. Comme un ravin qui empêche le passage et qu'on garde à l'esprit.
La volonté n'agit pas, c'est le regard sur le réel qui agit. L'addiction a une fonction, qui est de nous sauver la vie momentanément, comme une bouée lancée à un noyé.
Simplement le but n'est pas de virer trop vite la bouée mais plutot de retrouver le sol ou d'aprendre à nager pour pouvoir s'en passer.
Ensuite plus tard, quand on commence à récupérer des forces, rien n'empêche d'aller regarder la faille , d'aller jauger son vertige enrichi de nouvelles expériences. Mais le chemin qui a été bloqué l'a souvent été pour une bonne raison et on n'affronte jamais son passé traumatisant de face sous peine de se vider de ses forces.
Un jour à force de contourner, on se rend compte qu'on a construit un pont en direction du centre, un pont indifférent aux zones interdites.
Alors on peut enfin trouver refuge pour de bon... Et la béquille tombe d'elle même. Ca peut prendre le temps. Mais au moment ou vous retrouvez un chemin direct, clair, que vous pouvez vous y rendre à volonté, même si vous pouvez encore avoir des gestes toxiques ponctuels, vous n'êtes plus attaché par eux. Vous avez la carte du nouveau territoire.
En résumé. Accepter ce qui est sans se juger. Regarder en face. Ne pas lutter contre. Trouver ce chemin détourné ou ce pont vers le centre-refuge
et avoir conscience de sa faille sans vouloir la modifier.
Maintenant petit passage culturel et social.
La culture est parfois le support de l'addiction.
Elle contribue, nourrit, donne un support presque tribal à certains comportements. Comme une mauvaise mère. Pensez à une substance et voyez tous les titres de chansons, les livres et les films qui vous viennent, qui même sils ont l'air de dénoncer, construisent malgré tout une mythologie.
Alors oui c'est d'autant plus compliqué car la société au niveau culturel active souvent les leviers qu'elle déplore au niveau moral ou juridique.
Pas simple, et Deleuze et Guattari en parlent bien dans leur concept des lignes de fuite.
Tout chemin en direction du centre, que l'on soit addict ou pas, est un chemin difficile peuplé de 'mort à soi même' et empreint d'une autonomie intérieure qui peut ressembler à la solitude. Atteindre son centre donne l'impression de s'éloigner du monde. Mais la fenêtre s'ouvre alors sur LE monde et quand on touche ce centre silencieux, permet de réaliser qu'on est seul, mais jamais isolé.








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